L’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle/潜在的文学工房) n’est ni un mouvement (comme le surréalisme) ni une école[1] (naturalisme), c’est avant tout un laboratoire et les membres y sont à la fois cobayes et savants. La définition, qu’en donne Raymond Queneau, illustre assez clairement le projet oulipien et leur position : « des rats qui ont à construire le labyrinthe dont ils se proposent de sortir. » Parmi ces rats savants se trouvent, pour les plus connus d’entre eux, Raymond Queneau et George Perec. Mais, contrairement à une idée reçue, c’est le mathématicien François le Lionnais qui a concrétisé le projet oulipien[2].
数学と文学の融合
Le fonctionnement du groupe de recherche, quant à lui, ne s’apparente aucunement à celui des surréalistes et à leurs activités que Queneau comparera un peu cavalièrement à l’activité nazie[3]. Pas de hiérarchie, le travail des oulipiens est collectif et concerté. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Il n’y a ni concurrence, ni exclusion. À rebours des surréalistes, l’Ouvroir embrasse le champ littéraire dans sa totalité.
L’autre particularité du groupe est d’accorder à la science « dure » une place de choix. On a affaire à un mariage détonnant entre les mathématiques et la littérature.
En bref, le projet oulipien est d’élaborer des contraintes, des structures et des formes originales susceptible de produire des œuvres inédites.
制約の概念
À l’inverse des romantiques, les oulipiens ne croient nullement au « génie créateur »[4] , ni au hasard. Pas d’impulsion, d’automatisme et d’inspiration, l’écriture est un travail conscient et un exercice qui requière des efforts constants. La notion qui caractériserait le mieux le travail acharné des oulipiens est celle de contrainte.
Cette dernière n’est pas une dangereuse lubie ni un artifice vain. La contrainte ne date pas d’hier ! Elle a été abondamment employée aussi bien dans la poésie chinoise ancienne que dans celle de l’Antiquité gréco-romaine[5]. Des techniques complexes comme celle du palindrome ou du lipogramme avaient une place centrale dans certaines de ces œuvres. L’Oulipo soutient donc qu’une production littéraire suppose nécessairement la mise en œuvre de quelques techniques et exigences formelles auxquelles une œuvre d’art peut difficilement se soustraire.
Comme Stéphane Mallarmé, l’Oulipo travaille sur les éléments matériels du langage et de l’écriture : les lettres, les sons, les syllabes et les mots.
制約により解き放たれる新たな可能性
La contrainte oblige le langage à s’extraire de son fonctionnement usuel et répétitif et à faire apparaitre ainsi les ressources et les potentialités qu’il recèle. La contrainte se révèle par conséquent comme le meilleur moyen de passer d’un usage naïf et trivial à un usage proprement littéraire.
ウリポの作品
目的は作品を作ることではなく、潜在的な文学実験
Le but du groupe de recherche n’a jamais été de créer des œuvres[6] mais une méthode (une expérience de littérature potentielle) – l’œuvre finie épuise la potentialité[7]. Pourtant il existe quelques créations ou échantillons « décevants »[8] illustrant la méthode oulipienne :
Le premier est Cent mille milliards de poèmes(100兆の詩篇) de Raymond Queneau qui une série combinatoire et permutable de 10 sonnets imprimés sur des bandes de papier. Chaque ligne du poème peut être librement déplacée et interchangée, ce qui permet à l’utilisateur de créer un nombre presque illimité de poèmes.
Le second est la Disparation(煙滅), roman lipogramme duquel la lettre « e » a disparu.
Le troisième et dernier exemple est la Belle Hortense( 麗しのオルタンス)de Jacques Roubaud qui élabore « un romanesque de la contrainte » en faisant usage de la sextine[9] comme structure de base.
Pour conclure, l’Oulipo est avant tout une aventure avec les formes et les contraintes. Un projet sur la proposition de contraintes et non sur la production à contraintes.
執筆:Emile
[1] François Caradec dira, non sans humour, que « l’Oulipo n’est pas une école, c’est une crèche. » http://chroniques.bnf.fr/numero_courant/conferences/jeudis_oulipo.htm
[2] « Vous écrivez que Jacques Benz l’un des membres fondateurs du groupe vous avez confié que l’Oulipo était vraiment une idée de François Le Lionnais et que pour Queneau, c’était plutôt une « distraction ». – Je suis tout à fait d’accord avec cette explication
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01474185/file/Bloomfield_EntretienRoubaud_FPC8.pdf
[3] Le propos est repris par Hervé Le Tellier, Esthétique de l’Oulipo, op. cit., p. 27.
[4] Alfred Musset, « ah ! frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. »
[5] Publilius Optatianus Porfirius
[6] Jacques Bens, Genèse de l’Oulipo, p. 88. « Le Lionnais va parfois jusqu’à dire : « la méthode se suffit à elle-même. L’exemple est un plaisir que l’on se donne en plus — et que l’on donne au lecteur. »
[7] Jacques Bens, Genèse de l’Oulipo, p. 117. « Le mot potentiel ne caractérise pas des œuvres, mais des procédés. Est de la LiPo, l’invention du sonnet. Un sonnet, c’est une œuvre, mais son invention, c’est de la LiPo. À côté du cas des œuvres limites qui épuisent tout leur contenu, il y a des procédés illimités. »
[8] Jacques Bens, Genèse de l’Oulipo, p. 110 Albert-Marie Schmidt avoue que : « Ces méthodes sont donc intéressantes. Mais les résultats sont un peu décevants ».
[9] CNRTL : « Poème de six strophes de six vers et d’une strophe de trois vers, sur deux rimes, avec six mêmes mots revenant à la rime dans un ordre déterminé. »